Niokokro, le 6 août 1994

Cher toi,

Nous n’avons pas pu partir en brousse, il y avait trop de choses à faire à l’hôtel. Tout ranger, tout nettoyer.

Ce matin, au petit déjeuner, Tom nous a demandé s’il pouvait venir avec nous. J’étais un peu surprise et un peu déçue, je pensais avoir Dominique toute à moi. Mais j’ai dit oui, il a des congés à prendre et il a envie de découvrir le Mambo. Dominique est ravie ! Et toi, tu seras content car je te devinais inquiet de nous voir partir, deux femmes seules. Nous avons un garde du corps ! Irène Martin Duchaussoy est passée ensuite et nous a invités à prendre l’apéritif chez elle quand nous serons en brousse, notre case de passage est juste à côté de leur domaine. Elle m’a raconté qu’elle habite dans des cabanes style lodges du Kenya. J’ai hâte de voir cela !

La vie passe, je suis heureuse. Mon hôtel marche bien et correspond à mes attentes. L’ambassadeur Mustapha est passé prendre l’apéritif, lui aussi est très content de la soirée d’hier. Me voilà lancée !

2 heures du matin

J’aime me réveiller ainsi, la nuit est chaude, odorante et traversée de petits bruits d’oiseaux de nuit, de toute cette vie, qui, comme moi, aime l’obscurité. Mes pieds nus sur le carrelage frais, j’ai juste mon boubou de chambre, un petit air passe par les fenêtres. Il pleut, une grosse pluie tropicale, les odeurs de végétation remontent, je suis bien. Je t’imagine à côté de moi. Nous partons demain. Tom est tout heureux. Je dois dire qu’il est très sympathique, il n’a qu’un seul défaut : les seuls mots qu’il connaisse en français c’est bonjour, merci et au revoir. Cela nous laissera des instants d’intimité, à Dominique et à moi. Tout est prêt. Cela me rappelle nos départs en brousse, quand j’étais petite, à Dakar. Contrairement à tous les coopérants qui faisaient du CFA sans sortir de la presqu’île du Cap Vert, nous partions à peu près tous les week-ends. Une fois, nous sommes tombés en panne dans le Grand Baobolon, un endroit désertique dans le centre du Sénégal. Nous nous sommes réfugiés sous un épineux qui nous donnait une ombre maigre. Maman nous versait un petit verre à liqueur d’eau tous les quart d’heures. Au bout d’un moment, nous avons vu surgir de la brousse un homme tout seul qui avançait tranquillement sous quarante degrés à l’ombre. Papa lui a expliqué ce qui nous était arrivé et il est reparti en disant qu’il allait voir s’il pouvait nous aider. Pas une voiture ne passait, personne d’autre que cet homme. On chantait des chansons pour tenir, personne ne paniquait. Et puis tout à coup est arrivée une voiture avec un mécanicien qui a réparé la voiture. Comme cela, en pleine brousse, sans que personne ne s’étonne de rien. C’est ça l’Afrique. Rester calme et faire confiance.

Nous allons d’abord dans le sud où une ethnie particulière a son habitat dans des montagnes. Il y a aussi une forêt primaire à voir. Tom conduira, c’est bien qu’il vienne avec nous. Ce n’est pas un anglais, c’est un écossais, passionné de bateau. Aussi nous irons jusqu’au bord de mer pour nous baigner. Ils font de grands projets avec Dominique, d’aller en Ecosse faire une croisière sur son bateau. Passer le canal du roi George, on viendra peut-être avec eux ? Tu verras, tu aimeras le bateau. A Dakar, nous avions un bateau par la société de mon père, un Requin, très long et très fin, qui avait comme caractéristique de plonger dans les vagues. On était vite trempé et même à Dakar, il nous arrivait d’avoir froid. Le France, pour le festival des Arts Nègres est venu à Dakar et nous avons fait le tour du paquebot sur notre requin… De beaux souvenirs. Tu me dis que j’ai de la chance d’avoir eu une telle enfance et je te crois.

Un haïku de la mer de Alain Kervern

Tenir l’infini

à distance

le soleil se noie

Bonne nuit, Didier, je t’embrasse tendrement. Ta Nadine

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