Niokokro, le 2 août 1994

Cher toi,

J’ai une idée ! Elle m’est venue en visitant les artisans avec Dominique. Je vais monter une association qui va faire payer des droits d’auteurs aux européens qui pillent tranquillement la créativité africaine et avec l’argent récupéré, on enverra les artisans se former en France ou en Europe ; ils ont soif d’idées nouvelles, de contacts avec d’autres artistes. J’en ai discuté avec eux,

ils sont d’accord, il ne reste plus qu’à mettre le projet en marche. L’ambassadeur trouve l’idée généreuse mais l’application difficile. Y réfléchir…

Notre matinée chez les artisans fut un véritable ravissement. J’ai trouvé toute une gamme de tissus à décliner dans l’hôtel et des masques de toute beauté .

Tu verras, tu aimeras ces petites cabanes de guingois, en planches mal équarries dans lesquelles ils travaillent. Il faisait chaud et humide, j’avais juste un tee-shirt mais je transpirais devant ces forgerons qui travaillent le feu. Le travail de l’or en fait une caste à part. La forge est toujours pleine de monde, qui nous ont bien accueillies. Ils savaient qui j’étais, ce que je voulais et ils ont répondu à mon attente.

Il est prévu une grande fête samedi à l’hôtel pour fêter sa réouverture. J’ai travaillé la liste des invités avec Mustapha, l’ambassadeur, qui, en tant qu’ancien et représentant d’un grand pays musulman, a ses entrées partout. Le pays est calme, tu me l’as dit aussi, pas d’interdit des affaires étrangères. Je suis heureuse. Je repense à nous deux, à Paris, ces musées que tu m’as fait découvrir, nos soirées dans les boites de jazz. Dans la grande salle à manger, le designer a installé une scène derrière un grand panneau de bois qui s’ouvre pour la libérer. Samedi j’ai le groupe de jazz local qui vient jouer. Tu vois, tout s’organise à merveille, ce n’est pas comme à Paris, où tout est difficile. Je n’aimerais plus y vivre. Comme cela, en passant, sans y travailler, c’est agréable mais les gens sont durs et les milieux fermés.

Des odeurs d’humus après la pluie. La piscine est sale, des feuilles d’arbres y flottent. J’aurais presque envie de mettre un petit pull. J’aime ce moment où l’horizon va basculer vers la nuit, cette chaude et odorante nuit, peuplée de bruits, de songes et d’odeurs. On entend des enfants jouer, des gens discuter. Partout s’allument des petites lumières et des feux pour faire griller la viande. J’ai commencé à apprendre le bemba avec Omar et cela me permet de rentrer dans l’intimité du pays.

Dominique est heureuse et, devine ! Il y a un fringant ingénieur anglais qui lui tourne autour et elle ne dit pas non… C’est amusant de les voir jouer au chat et à la souris. Depuis son divorce, qui fut très dur, elle semblait ne plus aimer les hommes. Mais là, loin de ses bases, avec un bel anglais, pourquoi pas ? Elle maîtrise bien l’anglais et ils se racontent leur vie, il est libre, enfin ici…

2 heures du matin

Il fait très humide, je n’arrive pas à dormir. Tu me manques, il me manque nos câlins du soir, j’aime cette façon que tu as de m’embrasser. Je ne t’en dirai pas plus, tu sais que je n’aime pas parler de ces choses là, cela déflore tout. Nous avons dîné avec l’anglais, il s’appelle Tom et il travaille pour une société d’Afrique du Sud spécialisée dans l’extraction de l’or. Il est sympathique et semble très amoureux. Dominique rougit comme une jeune fille à ses compliments. Il faut dire qu’elle a pris des couleurs et que son boubou met en valeur ses épaules et son port de tête. Affaire à suivre…

Mon ventre cogne

Sous ta main

S’il te plaît

Tu peux piétiner les roses.

Claudine Bohi

Je t’embrasse, Didier, de toute mon âme . Ta Nadine

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