Cher toi,
Ouf, je suis fourbue mais éblouie ! Nous avons exploré le village artisanal à la recherche de pièces rares, ce fut une vraie joie d’arpenter ces petites ruelles sur lesquelles donnent les « cabanes » des artisans. Frédéric de Challans est un très bon guide et il a l’enthousiasme communicatif. Il a acheté beaucoup de petites pièces et il est revenu heureux. Quant à moi, j’ai beaucoup appris. Il est d’accord avec moi, si l’on veut développer une véritable culture du Mambo, il faudrait instituer des sortes de résidences pour artistes et prendre l’obscur artisan pour le frotter à d’autres façons de faire. Un véritable bouillon de culture avec des prix, des concours et des lauréats !
Nous avons déjeuné dans un « maquis », ces petits restaurants en plein air au milieu des jeunes qui écoutaient de la musique à plein tube. Frédéric m’a délivrée de mon appréhension à aller vers les africains, toujours avec cette idée que je dérange par ma couleur de peau. Il n’a aucun complexe et il emporte l’adhésion. Une rencontre très enrichissante et, tu sais, nous allons travailler ensemble ! Je suis aux anges.
Il prend toutes sortes de notes dans un petit carnet Moleskine et photographie tout. C’est très riche de participer ainsi à la création d’une œuvre. Je lui ai montré mes photos, il a été séduit et m’en a même acheté plusieurs. Il dit que j’ai une acuité dans le regard qui l’interpelle. Rien que ça !
J’ai rédigé l’article sur l’hôtel et il a été accepté. Tout roule, tu le vois. Cette idée de venir au Mambo s’avère excellente !
2 heures du matin
Il ne fait pas très beau à Montalivet et tu es un peu déçu. Il n’y a pas beaucoup de monde et tu t’ennuies un peu. Bien fait, tu n’avais qu’à venir à Niokokro ! Je plaisante mais pas tout à fait. Je découvre beaucoup de choses et je suis très heureuse. J’aimerais juste partager avec toi mes surprises. Ici, il fait sec aujourd’hui et cela repose de la pluie. Nous avons tous pris l’apéritif et Irène Martin Duchaussoy s’est jointe à nous. Elle portait une tenue de chasse qui a eu l’air de beaucoup séduire Frédéric, sensible à son charme. Il vient demain avec moi chez elle, où nous sommes invités à déjeuner. Ils pourront ainsi s’occuper tous les deux pendant que je photographierai sa cabane de luxe. J’ai déjà repéré certains plans et trouvé le ton de l’article. Moi qui avais peur de me dessécher un peu en Afrique, de perdre mes repères, me voici rassurée.
J’ai développé plusieurs photos des petites filles d’hier, je n’en suis pas mécontente. Je vais faire une série sur les enfants, cela me fera un article.
L’hôtel marche bien et Abdou est toujours aussi efficace. Il y a toute une délégation d’européens venus en repérage pour le prochain salon de l’artisanat. Marc Lafon est revenu ! Mon béguin d’Abidjan est toujours aussi charmant et tu n’existerais pas que je me laisserais faire. Mais je connais aussi bien ce genre d’homme, séducteur en diable et pas fidèle pour deux sous.
Je lis un livre très intéressant d’Erasme, cet auteur du seizième siècle, Eloge de la Folie. Il dit que la Folie est la sagesse, qu’il faut être fou pour vivre. Il affirme que les femmes sont folles ; car elles aiment. Et c’est vrai qu’être passionnément amoureuse est fou, de tomber amoureuse d’un homme ne relève pas de la raison. Bien au contraire ! Cela me rappelle ce que m’a dit un psychiatre, à Marseille : vous, vous êtes une exaltée. On ne vous changera pas. Mais si vous ne mangez pas, que vous ne dormez pas et que les autres vous regardent bizarrement, c’est que cela ne va pas. L’Afrique, pour moi, n’est-ce pas ma part de folie ? Toi aussi, tu es ma petite folie…
Roman d’Arthur Rimbaud
Le cœur fou robinsonne à travers les romans,
_ Lorsque, dans la clarté d’un pâle réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants
Sous l’ombre du faux col effrayant de son père…
Porte toi bien, Didier et profite de tes vacances. Je t’embrasse, ta Nadine.
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