Cher toi,
Bon bain dans la piscine et petit déjeuner somptueux : cela fait du bien d’être rentrée ! Je vais faire un reportage sur l’hôtel et j’ai commencé à faire des photos. Je les fait en noir et blanc et je les développerai moi-même. J’ai aménagé un appentis pour en faire un laboratoire. J’ai commencé à développer celles que j’ai prises pendant le voyage, certaines me plaisent. Le journal est d’accord pour m’acheter des photos. Tout va bien donc. Toi tu es en vacances et tu te prépares à partir. Je comprends bien que tu n’avais pas assez de temps pour venir à Niokokro. Pas le temps ou pas l’envie ? Je ne polémique pas, tu fais comme bon te semble. Tu gardes des congés pour, cet hiver, venir un mois.
J’ai eu une visite en fin de matinée : Edith M’Baye, la grande marchande de tissus et d’artisanat, est venue me rendre visite en m’apportant un collier en filigrane d’or. Je n’ai pu refuser, en Afrique, refuser un cadeau c’est faire injure à celui qui donne. Elle a entendu parler de mon association, les nouvelles vont vite à Niokokro et elle se propose de m’aider. Quand je lui ai fait part de l’idée d’Irène de cibler plutôt les filles, elle a éclaté d’un grand rire de gorge, elle a des dents magnifiques, soulignées par un tatouage sur chaque joue. Elle m’a dit : c’est génial, Madame, vous êtes une bénédiction pour notre pays ! Les femmes parlent aux femmes, j’adore cette idée! En Afrique, les femmes sont à la base de tout. Elle était belle dans un grand boubou en basin bleu clair. Elle parle peu mais donne beaucoup, on comprend par son attitude que c’est une femme de pouvoir. Elle est entière et réfléchie. A ma proposition de faire partie de mon association, elle a tout de suite dit oui. Elle doit me présenter à d’autres femmes qui elles mêmes m’en présenteront d’autres et ainsi va la vie. Je lui ai parlé de mon activité de journaliste ; elle va réfléchir quand je lui ai demandé d’ouvrir sa maison. En attendant, j’ai rendez-vous avec elle pour examiner les modalités concrètes de l’association à laquelle il va falloir donner un nom. Ce n’est pas le plus urgent mais il faut commencer à y songer. Réfléchis de ton côté, tu as souvent de bonnes idées.
2 heures du matin
Il pleut, cela me rappelle la chanson de Serge Gainsbourg, la saison des pluies, la saison maussade, le fin des amants, d’autres larmes en perspective… Tu n’es pas ainsi, n’est-ce-pas Didier ? Drôle d’histoire que la nôtre, à s’aimer de si loin. Vas-tu rencontrer une belle naïade à Montalivet et moi un fringant ingénieur ? Dominique repart demain matin, c’est un peu triste, qu’adviendra-t-il de l’amour entre Tom et elle ? Survivra-t-il à l’éloignement ? Il doivent se revoir en Ecosse en septembre. Je suis un peu triste de voir Dominique partir, on s’entend bien même si nous sommes très différentes. Et au fond pas tant que ça… Tu verras, tu l’aimeras. Elle retourne en Bretagne où elle habite près de ses enfants. Nous avons bien profité l’une de l’autre, son voyage fut une réussite et elle va pouvoir rassurer la famille qui se demandait si je n’étais pas folle de partir ainsi à l’autre bout du monde pour ouvrir un hôtel. Elle a vu que ça marche, qu’il y a un potentiel et que je suis très organisée. Elle rapporte mes photos et, lors d’une escale à Paris, elle va les donner à une journaliste du Nouvel Habitat. J’ai hâte de connaître leur réaction !
J’aime la photographie depuis que je suis enfant . A huit ans, j’ai eu un petit appareil et je photographiais mes poupées, mes sœurs et mes plantations. Ce qu’il y a de drôle dans mes photos, c’est qu’on ne voit pas la tête des adultes mais, par exemple, à leurs pieds, ma sœur en train de jouer à la dînette et les robes des femmes autour, sans têtes. Pas mon univers…
La ronde autour du monde de Paul Fort
Si toutes les filles du monde voulaient s’donner la main,
tout autour de la mer, elles pourraient faire une ronde.(… )
Alors on pourrait faire une ronde autour du monde, si
tous les gens du monde voulaient s’donner la main.
Je t’embrasse, Didier . Ta Nadine
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