L’URSS

A Kazan, dans un camp de komsomols, nous nous baignions et nous nous faisions bronzer près de la Volga. Loisirs Vacances Jeunesse, LVJ, était une organisation du Parti Communiste Français. Le matin, il y avait des réunions politiques, mes amies et moi avions décidé de les boycotter, tout comme les komsomols non russes. C’est là qu’en 1974, l’URSS avait déjà ses faiblesses. Nos camarades disaient que la politique, c’était bon pour les russes. Le soir, il y avait compétition sur ceux qui boiraient le plus de vodka. Les français s’accrochaient mais ils perdaient et une fille a même fait un coma éthylique. Nous avions aussi des soirées Droujba, c’est à dire « amitié ». On nous amenait dans de grandes salles où les discours en russe se succédaient. Pour éviter de trop boire, j’avais compris qu’il ne fallait pas avoir son verre vide, mais rempli à moitié. Je versais le surplus dans les plantes vertes… Il faisait beau, le matin nous étions réveillés par des chansons pop russes, c’était rigolo. Nous avions une nourriture russe, où les pommes de terre le disputaient au chou sous toutes ses formes. Nous rêvions de salade de tomates et les français sont allés se plaindre. Les responsables du camp ont arrêté sur la Volga un bateau qui transportait des pommes, elles étaient toutes petites, presque inmangeables. On a bien mesuré la différence d’avec la France, nous ne consommions que ce qui était produit par le pays où nous étions. Les jeunes communistes trouvaient tout bien, sauf la nourriture. Je me moquais d’eux.

Nous avons descendu la Volga en bateau, les jeunes communistes français avaient décidé de profiter de cet endroit clos pour faire un maximum d’adhésions. J’en avais un qui s’accrochait, il m’énervait, j’ai menacé de le mettre à l’eau s’il insistait. Mon grand-père était communiste, le père de mon amie Catherine l’avait été, nous estimions que nous avions donné !

Au retour, nous sommes restés quelques jours à Moscou, à l’hôtel Rossia. Mes deux amies et moi avions sympathisé avec deux jeunes argentins qui faisaient le tour du monde en voiture. Qu’elle n’était pas notre amusement de partir en voiture devant tous les autres qui prenaient leur car. Nous nous amusions follement, je traduisais et nous rentrions à l’hôtel à une heure du matin où le concierge nous ouvrait sans rien dire . J’étais la seule qui parlait russe et nous étions libres comme l’air. On se faisait siffler par l’armée rouge sous la place Rouge, Catherine avait un dos nu et de grands cheveux blonds qui cachaient l’attache du vêtement. Cela amusait beaucoup les russes, nous avions du succès. Les russes étaient très gentils, quand on demandait un renseignement, ils s’arrêtaient et prenaient le temps de nous montrer où aller.

Bien sûr, il y avait de grands drapeaux rouges partout et de grands panneaux où étaient accrochés des photos des meilleurs ouvriers. Nous sommes allés au Goum, le métro aussi était très beau, très grand siècle. Un soir, alors qu’il était très tard, nous nous sommes trompées de direction et nous avons eu très peur d’avoir raté le dernier service. Il y avait deux types saouls qui se racontaient des histoires, l’air extasié. Mon professeur de russe disait qu’on ne laissait jamais un homme saoul seul, toujours quelqu’un le raccompagnait pour qu’il ne lui arrive rien. Un de mes meilleurs souvenirs fut quand nous montions un soir vers l’Université en chantant à tue tête «  Aux Champs Elysées « !

J’avais sympathisé à l’hôtel avec un commissaire de police arménien qui me disait que pour sa république, tout allait bien car ils recevaient l’argent de la diaspora et que par exemple un chef d’entreprise avaient 10 jaguars ou autres voitures de luxe.

Au retour, nous avions pris Aéroflot, je n’étais pas rassurée, les avions faisaient un peu vieux, et l’on a survolé l’Europe du nord éclairées par des milliers de lumières, cela dessinait comme de grands colliers barbares…

A peine rentrées, nous nous sommes précipitées sur une terrasse de café et avons commandé une salade de tomates.

J’ai retenu de mon séjour que l’union des républiques soviétiques était déjà chancelante et quand l’URSS s’est effondrée comme un paquet de cartes, je ne fus pas surprise.

Aujourd’hui, je révise mon russe, même si les circonstances vont m’empêcher de m’y rendre avant longtemps. J’ai pour ambition d’arriver à lire les romans russes dans le texte.

« Au soleil ou sous la pluie, il y a tout c’que vous voulez aux Champs Elysées «  Joe Dassin

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